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Que peuvent nous apprendre les satellites sur la santé des plantes ?

Par Aleksandar Dujakovic | Assistant de recherche | BOKU

La télédétection de la végétation est un processus permettant de surveiller les caractéristiques physiques des plantes en mesurant leur rayonnement réfléchi et émis à distance. Grâce aux données collectées par les satellites, les avions et les drones (UAV), la télédétection permet d'obtenir des informations spectrales, spatiales et temporelles pour analyser la santé des cultures, leur productivité et leurs évolutions sur de vastes territoires.

Le projet STELLA

L'une des applications innovantes de la télédétection est la détection et la surveillance des maladies des cultures. Un système de détection des ravageurs sera intégré au Pest Surveillance System (PSS) du projet STELLA, visant à détecter les nuisibles avec précision et rapidité, en identifiant à la fois les premiers symptômes invisibles à l'œil humain et les symptômes visibles. Ce système s’appuiera sur des drones (RPAS ou UAV), la télédétection à distance et de proximité, la science participative (citizen science) et des pièges.

Le PSS de STELLA sera déployé dans six sites pilotes (Use Case Pilots – UCPs), chacun correspondant à une culture spécifique, répartis dans cinq pays. Ces sites ont été sélectionnés pour relever les défis liés à la surveillance et à la gestion phytosanitaire des ravageurs réglementés. Ils représentent des environnements réels avec des contextes variés en termes de climat, de localisation, de types de maladies et de systèmes agricoles ou forestiers. Des données quantitatives et qualitatives sur la présence des maladies et ravageurs y seront collectées et utilisées pour entraîner des modèles d’apprentissage automatique (Machine Learning). Ces modèles pourront analyser des données provenant de diverses sources afin de détecter rapidement les infestations dans les cultures, les vergers ou les forêts.

Comment les satellites détectent-ils les maladies des plantes?

Les satellites captent des données sur plusieurs parties du spectre électromagnétique, notamment dans les longueurs d'onde du visible, de l’infrarouge et du thermique. Ces données sont basées sur la réflectance de l’énergie depuis la surface terrestre dans des bandes spectrales spécifiques. Chaque matériau possède une signature spectrale unique, qui dépend de ses propriétés. Les modifications physiologiques des plantes infestées (ex.: altération de leur structure, de leur teneur en eau, de leurs pigments) affectent ces signatures spectrales. Ainsi, lorsqu’une maladie induit des changements détectables par un capteur spécifique ou un ensemble de capteurs, les satellites peuvent être utilisés pour surveiller la propagation des maladies. Cette technologie offre une surveillance non invasive et en continu de la santé des plantes, permettant d’identifier efficacement les premiers signes de stress causés par des ravageurs.

Cartographier les épidémies de ravageurs grâce aux modèles satellitaires

L’un des principaux avantages des satellites est leur capacité à couvrir de vastes zones rapidement. Cette caractéristique permet aux agriculteurs d’évaluer la répartition des ravageurs sur différentes régions et d’adapter leurs stratégies de lutte en conséquence. Par exemple, les satellites peuvent surveiller simultanément plusieurs parcelles et identifier les foyers d’infestation nécessitant une intervention immédiate.

Un des indices clés utilisés est l’Indice de Végétation par Différence Normalisée (NDVI), qui permet d’évaluer la santé des cultures et de détecter les facteurs de stress tels que les maladies et les ravageurs.

Un autre atout des satellites réside dans leur capacité à capturer des images à intervalles réguliers (ex.: tous les 5 ou 10 jours), permettant ainsi un suivi continu de la santé des cultures et de son évolution. L’analyse d’archives d’images satellites permet également d’étudier les tendances et anomalies dans le temps. Par exemple, en comparant les données d’observations passées, il est possible d’identifier les facteurs qui précèdent une épidémie et d’anticiper de futures infestations.

Dans le projet STELLA, les données satellitaires seront utilisées pour:
Élaborer des modèles de détection des ravageurs,
Analyser les indices de végétation pour repérer les zones de stress annonçant une infestation,
Suivre les changements à long terme,
Exploiter les archives de télédétection pour identifier les foyers de ravageurs et évaluer la propagation des infestations.

Bien que les images satellites puissent manquer de précision pour une détection fine des maladies, elles permettent d’identifier rapidement les zones touchées et d’évaluer l’étendue des dégâts. L’intégration de la télédétection et de l’apprentissage automatique contribue ainsi à une gestion plus efficace des ressources, en optimisant l’utilisation des pesticides et des engrais, réduisant ainsi les déchets et l’impact environnemental.

Application de l’Intelligence Artificielle

L’apprentissage automatique (Machine Learning – ML) et l’apprentissage profond (Deep Learning – DL) améliorent considérablement la précision de la détection des ravageurs grâce à des approches technologiques avancées. Les modèles ML analysent les relations entre la réflectance spectrale des cultures et la présence de maladies, en identifiant des modèles complexes à partir de vastes ensembles de données.

Les techniques d’apprentissage supervisé, où les modèles sont entraînés sur des données étiquetées (plantes saines vs malades), sont couramment utilisées pour cette tâche.

Types de données satellitaires

Différents types de satellites offrent des résolutions spatiales, spectrales et temporelles variées, permettant une surveillance adaptée aux besoins spécifiques:

  • Satellites multispectraux: Captent des données sur plusieurs bandes spectrales, notamment dans le visible, le proche infrarouge et l’infrarouge à ondes courtes Sentinel-2, qui couvrent l’ensemble du globe tous les cinq jours, sont largement utilisés pour la surveillance des cultures, offrant 13 bandes spectrales avec une résolution spatiale de 10 à 60 mètres.
  • Satellites hyperspectraux: Comme PRISMA ou EnMAP, qui disposent de centaines de bandes spectrales étroites, permettant de détecter des changements subtils dans la signature spectrale des plantes affectées par des maladies ou des ravageurs.
  • Satellites à haute résolution spatiale: Comme WorldView ou Pleiades Neo, qui offrent une résolution inférieure à 30 cm par pixel, facilitant l’identification précise des plantes infestées et la cartographie des zones touchées.

Conclusion

La télédétection satellitaire, combinée aux techniques d’apprentissage automatique, offre de nouvelles perspectives pour analyser les données à grande échelle et identifier des tendances utiles à la gestion des maladies et ravageurs des cultures. Face aux défis croissants liés au changement climatique et aux évolutions des dynamiques de ravageurs, l’intégration des données satellites dans des systèmes comme le PSS de STELLA constitue un levier essentiel pour aider les agriculteurs et les chercheurs à mieux gérer les infestations, assurant ainsi une agriculture plus durable et résiliente.

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