Par Christopher Kennard | Chef de projet | RFF
L’industrie viticole Française constitue une pierre angulaire de l’économie nationale, étroitement liée au patrimoine culturel du pays et à sa réputation mondiale. En 2023, la France a repris sa place de premier producteur mondial de vin, avec une production estimée à 48 millions d’hectolitres, représentant environ 20% de la production mondiale[1]. Cette position dominante renforce non seulement le rôle de la France sur les marchés internationaux du vin, mais confirme également son statut de leader mondial en viticulture. Sur le plan financier, le secteur reste solide, avec des exportations de vin atteignant 11,2 milliards d’euros en 2023[2]. Ce chiffre considérable souligne l’importance du secteur comme l’un des plus grands contributeurs aux exportations françaises. Cependant, il marque une légère baisse par rapport aux années précédentes, principalement en raison de l’évolution des préférences des consommateurs et des défis économiques plus larges.
Au-delà de son expertise sectorielle mondialement reconnue, la filière viticole française est un employeur majeur à l’échelle nationale et internationale: en 2021, elle soutenait plus de 550 000 emplois dans la culture de la vigne, la production, la distribution et le tourisme[3]. Le secteur joue également un rôle essentiel dans le maintien des économies rurales, de nombreuses petites communes et régions dépendant de la viticulture comme source principale de revenus. Malgré son importance économique, l’industrie fait face à des défis croissants, notamment une baisse de la consommation intérieure et une surproduction, qui ont conduit à des efforts stratégiques accrus en matière de gestion du vignoble et de diversification des marchés. Pour faire face à ces dynamiques en évolution, les vignerons se tournent vers des pratiques durables et des marchés alternatifs afin d'assurer la viabilité à long terme du secteur.

La viticulture face à l'augmentation des maladies
Cependant, la filière viticole est de plus en plus menacée par des maladies de la vigne telles que l’enroulement viral et le Bois Noir, qui affectent considérablement les rendements et la qualité des raisins.
L’enroulement, causé par différents virus appelés Grapevine Leafroll-associated Viruses (majoritairement GLRaV-1 et GLRaV-3 - Figure 1), est principalement transmis par les cochenilles. En France, il y a quatre espèces principales de cochenilles réparties en deux familles (à coque, et farineuses). Cette maladie entraîne une décoloration des feuilles avec les nervures restant vertes, un enroulement des feuilles, une réduction de la photosynthèse et un retard de maturation des fruits.
Dans des régions comme Bordeaux et la Bourgogne, les vignobles infectés peuvent subir des pertes financières annuelles comprises entre 10 000 et 30 000 euros par hectare. Une étude menée dans l'État de Washington aux Etats-Unis, a estimé qu'à long terme (sur 20 ans), l’enroulement pourrait coûter aux vignerons jusqu'à 20 000 dollars par acre (environ 41 ares) en raison de la baisse de la qualité et du rendement du raisin[4], contrastée par une estimation de 7 500 dollars par acre en 2016 pour le remplacement des vignes atteintes[5].
Un autre défi majeur pour les vignobles français est la maladie du Bois Noir (BN), causée par le phytoplasme Candidatus Phytoplasma solani. Cette maladie est présente au sein de plusieurs plantes hôtes, principalement le liseron et l’ortie dioïque en Alsace et est transmise par de la famille des fulgores, mais la vigne ne fait pas partie de leur habitat naturel. C’est pourquoi, ils n’y restent pas longtemps et, surtout, ne peuvent pas acquérir le phytoplasme à partir d’une vigne infectée — une différence clé avec l’épidémiologie de la Flavescence Dorée (FD).
Les symptômes du BN incluent le jaunissement et l’enroulement des feuilles, le flétrissement des grappes et, dans les cas graves, la mort du cep. Cette maladie constitue une menace importante pour la filière viticole en raison de ses effets directs : pertes de rendement dues à la stérilité des ceps infectés et coûts d’arrachage élevés, souvent difficiles à supporter en raison de l’ampleur des infections. Le BN a également des effets indirects significatifs, notamment en compliquant la gestion de la Flavescence Dorée, une maladie de quarantaine. Comme le BN et la FD produisent des symptômes identiques sur la vigne, le BN constitue un facteur de confusion, retardant la détection des premières infections de FD. Cette difficulté augmente les coûts et la charge de travail liés aux prospections (temps de prospection plus longs, analyses plus nombreuses), et entraîne un désengagement des acteurs en charge de la surveillance sanitaire des vignobles.
Assurer l’avenir: innover et s’adapter
Avec une vision tournée vers l’avenir, les filières viticoles Française et européenne font face à des défis croissants, liés à la fois aux maladies du vignoble et aux changements environnementaux induits par le climat. Pour garantir un avenir durable et rentable à la viticulture, il est urgent d’investir dans la recherche et le développement, en particulier dans les domaines suivants:
- Le développement de cépages résistants aux maladies, afin de réduire la sensibilité aux principaux pathogènes;
- Les pratiques viticoles durables, pour limiter l’impact environnemental tout en renforçant la résilience;
- Les systèmes avancés de surveillance et de détection précoce, permettant une intervention rapide en cas d’apparition de maladies.
Face à ces menaces croissantes, le système numérique intégré de STELLA émerge comme une solution de premier plan pour la détection précoce des ravageurs et des maladies. Cette plateforme propose un appui essentiel en matière de formation, d’élaboration de politiques et de gestion fondée sur les données, permettant aux viticulteurs de renforcer leur capacité à faire face à ces enjeux. En s’appuyant sur de telles innovations, la santé économique à long terme des filières viticoles française et européenne dépendra de leur capacité à s’adapter à ces défis tout en conservant leur statut de leaders mondiaux du vin de qualité et durable.
[1] https://www.oiv.int/sites/default/files/2024-04/OIV_STATE_OF_THE_WORLD_VINE_AND_WINE_SECTOR_IN_2023.pdf
[2] https://www.lemonde.fr/en/economy/article/2024/08/13/drop-in-wine-consumption-is-reshaping-french-vineyards_6714593_19.html
[3] https://earsc.org/sebs/wp-content/uploads/2021/01/Making-wine-in-france-vfinal-1.pdf
[4] https://rex.libraries.wsu.edu/esploro/outputs/graduate/Studies-on-cost-analysis-of-viral/99900591863201842
[5] https://www.goodfruit.com/leafroll-virus-is-costly/#:~:text=Expect%20to%20pay%20%24100%20per,and%20replant%20an%20infected%20vineyard.&text=Grapevine%20leafroll%20virus%20is%20very,%2Dgrape%2Dgrowing%20regions%20show